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Publié le 27/07/2021

Rencontre avec Pumpkin

#Focus

Le KN RAP-porte est une série d'articles dédiée aux rappeurs et rappeuses nantais.e.s que le Kiosque Nantais souhaite mettre en lumière. Le rap étant désormais le courant musical le plus écouté en France (source : Franceinfo Culture), il nous a semblé naturel de consacrer l'un de nos #FOCUS à la scène rap nantaise. Dans ce cadre, nous avons fait la connaissance de Pumpkin, rappeuse installée à Nantes depuis 6 ans que le Kiosque Nantais vous avait déjà recommandé auparavant. Elle s’est livrée sur son parcours...

De MC Solaar à la création d'un label

Kiosque Nantais : "Bonjour Pumpkin, est-ce que tu peux te présenter ?"

Pumpkin : “Cécile, 40 ans, rappeuse à Nantes depuis 6 ans originaire de Brest en passant par Barcelone pendant 6 ans et Paris pendant 7 ans. J’ai découvert le rap grâce à Mc Solaar en 1990, c’est mon premier souvenir marquant. De là, je me suis intéressée au fil des années au hip-hop. En 1996 avec une copine on a monté un groupe, et j’ai jamais arrêté ! J’ai toujours fait du rap par passion, par passion des mots. J’ai senti très rapidement que c’était quelque chose qui me faisait du bien et qui me convenait bien. Je n'ai jamais envisagé d’en faire un métier, j’ai toujours fait ça à côté ; et puis en 2012 je me suis retrouvée au chômage à une période de sortie de projet et je me suis dis que ça pouvait être cool de profiter de ce concours de circonstances pour bosser sur mon projet à fond au moins temporairement, pour une fois dans ma vie avoir cette chance de pouvoir ne faire que ça et il se trouve que je n’ai jamais eu à revenir sur un autre boulot. Ça m'a pris du temps pour développer le projet et pouvoir être intermittente du spectacle.”

KN : "Tu travailles beaucoup avec Vin’S da Cuero aussi, tu peux m’en dire plus ?"

P : “Vin’S da Cuero c’est mon mec, c’est la personne avec qui on a monté notre label en 2011 Mentalow Music, c’est un label associatif qu’on a lancé pour sortir nos propres projets, il nous fallait une structure, on a sorti une dizaine de références. D’ailleurs c’est les 10 ans cette année."

“J’ai l’impression aussi que pour se faire accepter du grand public, il faut édulcorer son rap.”

KN : "Oxmo Puccino a dit “le rap is the new chanson française”, qu’en penses-tu ?"

P : “Alors ça ne m’étonnes pas. J’aime pas trop cette idée, mais c’est très personnel. Justement je kiffe le Oxmo des premiers albums, des années 90, mais je suis moins touchée par ses projets plus "chanson française". Après, chacun fait ce qu’il veut et une chose est sûre, c’est que c’est dans la lignée de la tradition française. Simplement moi ça ne me parle pas et ça ne me plaît pas parce que j’ai l’impression aussi que pour se faire accepter du grand public, il faut édulcorer son rap. J’ai croisé plein de pros sur mon parcours qui ont essayé de me faire faire des choses plus chanson française et c’est une direction que j’ai jamais voulu prendre parce que ça ne me plait pas du tout. Pour moi le rap c’est le rap et puis voilà. Après, maintenant, les genres se mélangent, c'est l'essence même du rap, les styles sont de plus en plus hybrides parce que les nouvelles générations ont grandi de manière tout à fait décomplexée, elles mélangent des choses de manière instinctive et je trouve ça chanmé."

Des notes qui dénotent

“On ne se rend pas compte mais tous les jours les gens sortent des punchlines.”

KN : "Est-ce que tu peux me parler de ton processus créatif ? Comment tu viens à écrire tes textes ? Si t’as besoin d’une prod avant ou après ?"

P : “Depuis plusieurs années, je prends des notes tous les jours, je note des idées. Une des grandes sources d’inspirations c’est évidemment tout ce que les gens disent autour de moi. On ne se rend pas compte mais tous les jours les gens sortent des punchlines. Des idées, des bribes, des rampes j’ai envie de dire, inconsciemment on me tend des perches, enfin c’est ma manière de les interpréter parce que c’est ma sensibilité artistique. J’éponge toutes ces informations là et je m’en sers pour les transformer. Je prends des notes tout le temps, mais pas directement sous forme de textes aboutis, tu vois ? Déjà parce qu’en réalité j’ai plusieurs casquettes et mon activité professionnelle de toute façon ne me permettrait pas de ne faire que du rap, c’est-à-dire que pour faire du rap, j’ai dû en indé, apprendre à gérer d’autres choses, par exemple beaucoup de travail administratif et beaucoup de choses qui sont moins excitantes et sexy que la partie artistique. Mais sans ça, je pourrais pas vivre, donc je ne pourrais pas faire de rap, donc j’essaye de trouver un équilibre entre tout ça. Ce qui fait que quand je suis en période d’écriture à proprement dit -ce sont des cycles, en fait- je reviens à toutes les notes que j’ai, tout simplement. Et en général, j’y reviens en écoutant les prods que Vin’S me file parce qu’on fait des projets à deux depuis plusieurs années, on prend beaucoup de plaisir à travailler ensemble et on est dans une forme de recherche commune mais je collabore aussi ponctuellement avec d’autres beatmakers ou d’autres musiciens. Ce que je fais en général c’est que j’écoute les prods et je reviens aux notes, c’est la partie du travail la plus instinctive, et j’essaye de m'imprégner des moods, de les mettre en regard avec les textes. Et à partir du moment où je sens que je tiens quelque chose qui me parle ou qui m’intéresse, à ce moment-là je développe. Avec cette technique, sur le dernier album que j'ai fait -Abysses Repetita- je n’ai quasiment pas galéré à écrire, ce qui est très bizarre pour moi.

KN : "Tu avais une deadline pour l’écrire ?"

P : “Non pas du tout, on se pose des fausses deadlines mais ce sont des deadlines qui cadrent, pas des deadlines qui nous emprisonnent. Parce qu’on a besoin d’un cadre, ça pose des choses et ça permet quand même d’avoir des contraintes qui parfois peuvent t’aider. Tu sais, c’est comme quand tu te mettais à faire une rédac’ à l'école la veille de rendre ton truc, comme il y avait la pression, t'étais plus efficace, tu vois ? Moi j’aime bien avoir un cadre, avoir des deadlines etc. Maintenant, je n’aime pas me sentir emprisonnée donc il faut trouver le juste milieu, et puis les deadlines elles sont faites aussi pour être repoussées et l'avantage de travailler en indépendance, c'est qu'on fait ce qu’on veut en fait. On sait qu’il y a des périodes qui sont plus propices à la sortie de projet, il y a des choses intelligentes et moins intelligentes à faire, mais on ne va jamais mettre en péril la qualité d’un projet sous prétexte qu’il y a une deadline, ça n’a aucun sens. C’est toujours l’artistique avant tout. Et donc j’écris, j’écris et je me suis rendue compte vraiment pour la première fois que sur ce dernier projet j’ai pas souffert à trouver des textes, j’étais pas en galère d’inspi, j’avais toutes les idées qu’il fallait. Là, j’ai la sensation que ça va être la même chose pour le prochain album. Je sais pas quand je vais me mettre à écrire mais je sais que j’ai quasiment toutes les thématiques qui sont là.”

Une soif de rencontres et de projets

“LA.CLUB c’est un club de rap, comme on ferait un club de pétanque.”

KN : "Tu as monté le collectif L.A CLUB et le Summer Camp vient de se terminer, tu peux m’en dire plus ?"

P : “Alors c’est pas L.A CLUB comme Los Angeles, c’est "la point club" (LA.CLUB). J’avais pas anticipé que tout le monde allait le dire comme toi. Pour que tout le monde comprenne, ce n’est pas un collectif c’est un club de rap pour rappeuses. Pour moi il y a une grosse nuance parce que dans un collectif on se réunit par affinité artistique et là, c’est ouvert à tout le monde, le but c’était de créer un endroit, une sorte de safeplace où on peut se sentir à l’aise, venir faire des rencontres, parler de son expérience en tant que femmes dans ce milieu-là, partager des tips, et bosser ses skills. Donc c’est vraiment un club de rap, comme on ferait un club de pétanque. Le Summer Camp, c’est la première édition et c’est un projet porté par Trempolino, auquel LA.CLUB contribue. L’expérience LA.CLUB m’a permis d’apporter une sorte d’expertise, si tu veux, qui a permis de monter ce projet Summer Camp de manière hyper carrée. C’est-à-dire qu'on est parties de besoins qu’on a identifiés, pour développer un camp, là où souvent les structures développent des camps où c’est au public de se plier à la proposition pédagogique, nous on fait l’inverse. Je pense que c’est ce qui fait toute la différence. LA.CLUB va reprendre au mois de septembre, et ça va devenir un rendez-vous mensuel. Jusqu’à présent ça a touché une quinzaine de meufs, après il y en a qui ont arrêté de venir, il y en a qui viennent de temps en temps, il y en a qui ont déménagé, mais là avec le Summer Camp ça va ouvrir à des nouvelles filles et ça promet d’être une année LA.CLUB riche et ça c’est très cool.”

KN : "Et c’est ouvert à toutes les artistes, qu’elles soient amatrices ou déjà lancées ?"

P : “Alors le Summer Camp était ouvert aux artistes amatrices du département 44. On a eu pour 12 places, 23 inscriptions. Pour une première édition c’est vachement bien.”

KN : "Est-ce que tu as des projets pour l’avenir que ce soit dans ta vie artistique ou dans ton militantisme avec notamment les Clean Walk ?"

P : “Oh la la, m’en parle pas ça fait beaucoup de choses ! Bien sûr, des projets j’en ai plein. Parmi les projets personnels il y aura sans doute à venir un quatrième album Pumpkin & Vin’S da Cuero, on va prendre notre temps je ne sais pas pour quand ça sera. Je travaille aussi en collaboration avec un musicien de jazz qui s’appelle François Poitou, avec qui on fait un album commun et des concerts. Je fais aussi des lives avec un autre musicien de jazz qui s’appelle Médéric Collignon qui a joué sur mon dernier album et qui m’invite de temps en temps sur scène avec ses musiciens. C'est génial, ça me permet d’être dans un projet scénique qui est complètement l'opposé de ce que je fais avec Vin’S da Cuero, donc c’est hyper plaisant et enrichissant. Il y a aussi les Clean Walk, jusqu’à présent c’était tous les dimanches, on va continuer à le faire autant que faire se peut. Avec la reprise des concerts, ça va être un peu plus compliqué pour moi parce que le dimanche matin, je suis souvent dans un hôtel ou dans un train quelque part. Mais ce qui est cool, c’est qu’il y a d’autres personnes maintenant qui peuvent les organiser en notre abscence. Ce dimanche (18 juillet) c’est la dernière de la saison, et fin août ça sera le premier anniversaire de Clean Walk Naoned.

Ce qui est drôle avec ce projet que j’ai lancé toute seule, c’est que j’ai commencé à faire ça pendant le premier confinement, à ramasser les déchets, et au déconfinement en me promenant sur les bords de loire je voyais que c’était dégueulasse parce que tous les cafés et restaurants étaient fermés, les gens faisaient des pique-niques, les poubelles débordaient, c’était l’enfer… Et donc, j’ai commencé à faire des partages sur les réseaux pour trouver des partenaires, c'est comme ça que ça a commencé. Ca s’est développé assez rapidement et au-delà du fait de nettoyer son environnement, c’est un endroit où plein de gens viennent s’aérer la tête et rencontrer du monde, parce qu’il y a pleins de néo-nantais qui sont venus. Et voilà c’est super ce projet, même si on vit sur un bateau qui coule et qu'on essaye de le sauver à la petite cuillère ! En vrai, je préfère faire ça que de râler à la maison. Et humainement c’est génial, j’ai rencontré plein de gens que j’aurais jamais rencontrés autrement, et ça me fait aussi sortir de la musique. Si tu ne fais pas gaffe, tu finis par vivre entre-soi."

KN : "Est-ce que tu aurais un spectacle à recommander ?"

P : "Je recommande le Festival Hip Opsession qui aura lieu cette année du 1er au 9 octobre 2021 à Nantes. Vous pourrez à cette occasion assister à une soirée de présentation du Summer Camp à Trempo le vendredi 1er octobre avec table ronde, DJ set, freestyle, etc."

KN : "Quelque chose à rajouter ? Un message à faire passer ?"

P : “Gardez la pêche, faites attention à ne pas vous recroqueviller sur vous-mêmes, restez positif.ve.s, et faites l’effort chaque jour de créer des moments qui vous donnent le smile voilà, ça tombe pas du ciel, parfois ça demande un petit effort mais c’est important pour tenir bon.”

Merci Pumpkin !

Interview réalisée par Maëla le mardi 13 juillet, au Café de la Branche.

 

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Crédits photos : Frank Lelegue